Grand bol, ou coupe sur talon
Pierre-Henri Dautun & Elie Papus
Lausanne, vers 1780
Poinçon d'orfèvre EPD (1ère période) et de ville, chacun frappé deux fois
Etat superbe.
Rare

Diamètre: 21 cm
Hauteur: 12 cm
Poids: 700g

Forme très pure en argent uni, délicatement soulignée d'une frise d'entrelacs, montée sur un talon en bandeau à cannelures. Des traces de brasure horizontale visibles à l'intérieur du talon laissent penser que les orfèvres disposaient de bandeaux indépendants, les uns à cannelures et les autres en argent uni, qu'ils coupaient et assemblaient aux dimensions voulues.

Ces bols ont été déclinés en deux dimensions:
- des petits (diamètre entre 13 et 14 cm, hauteur entre 7 et 9 cm), sans doute utilisés comme petits bols à rincer, pour se laver les doigts à table,
- des grands, comme le nôtre (diamètre entre 21 et 22 cm, hauteur entre 10 et 14 cm), qui pouvaient servir à rincer verres et tasses dans de l'eau.

Ces bols sont fort rares. Il est possible qu'offrant moins de décor qu'une autre pièce de forme et pesant assez lourd, ils aient été régulièrement sacrifiés à la fonte en cas de manque de liquidités; il est possible également - et nous remercions M. Christian Hörack pour cette hypothèse - que les familles aient préféré, à l'époque, s'offrir des formes équivalentes en porcelaine de Nyon, qui jouissait en cette fin du XVIIIe siècle d'une grande réputation.

Quoiqu'il en soit, il s'agit d'une pièce rarissime. Le Musée Historique de Lausanne conserve dans ses collections un exemplaire des mêmes orfèvres (MHL, AA.VL 83.A.43); un autre, également de Papus & Dautun et gravé aux armes des Cannac, a été vendu par la maison Piguet en septembre 2015 lors de la dispersion du mobilier du château d'Hauteville (liens cliquables).

Une rareté supplémentaire: le poinçon d'orfèvre de la première période sur une forme attribuée à la seconde
Pierre-Henri Dautun (1729-1803), membre d'une famille d'orfèvres réfugiés du Languedoc installée à Morges, exerce sa profession à Lausanne où il s'associe à Elie Papus (1713-1793), orfèvre réfugié du Périgord et précédemment associé à Pierre Masmejan.
Les deux orfèvres travaillent ensemble de 1762 jusqu'à la mort de Papus en 1793, sous l'enseigne Papus & Dautun. Deux phases de production se distinguent clairement: la première, de 1760 environ à 1780, est frappée du poinçon EPD (le nôtre); la seconde, de 1780 environ à 1793, est frappée au poinçon PD avec une étoile à cinq rais.
La production de l'atelier Papus & Dautun, l'un des plus florissants de Lausanne au XVIIIe siècle, montre des influences françaises et anglaises; notre bol relève de cette dernière influence, de même que les théières ovales et autres pots coniques, toujours très sobres et presque toujours décorés, comme ici, d'une élégante frise d'entrelacs. L'atelier Papus & Dautun a semble-t-il joué un rôle très important dans la promotion des formes anglaises dans les années 1780.
Or, la plupart des grands bols connus de ce type portent le second poinçon, qui couvre la période 1780-1793. Le premier poinçon est plus couramment associé à des pièces au style français, comme ce grand bol du musée de Lausanne à la lèvre et au pied délicatement chantournés (lien cliquable).

S'il est impossible de déterminer avec exactitude l'arrêt d'utilisation du premier poinçon, on peut néanmoins présupposer que notre bol fait partie des premiers exemplaires à la mode anglaise sortis de l'atelier Papus & Dautun, au tout début des années 1780.

Référence:

Christian Hörack, L'argenterie lausannoise des XVIIIe et XIXe siècles, le luxe discret des grandes familles [exposition, Musée historique de Lausanne, 14.09.2007 - 17.02.2008], Lausanne 2007.

Notre notice s'inspire très étroitement, et parfois littéralement, de cette publication essentielle sur l'argenterie lausannoise. Voir notamment:

- p. 42 pour l'historique de l'atelier Papus & Dautun,
- p. 87 pour la description de ces bols,
- p. 177 n°134 pour l'exemplaire conservé au musée de Lausanne,
- p. 248 n°108 pour le premier poinçon Papus & Dautun.